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La protection temporaire des réfugiés ukrainiens

Droit des étrangers et de la famille à Lyon

⚠️ Attention ! Nous vous conseillons fortement de tenir compte de la date de publication de cet article. En effet, les pratiques en droit des étrangers ne cessent d’évoluer. Il est donc possible que certaines informations, pratiques et/ou stratégies procédurales présentées ne soient plus d’actualité.

Une semaine seulement après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, ce sont déjà près d’un million d’ukrainiens qui se réfugient dans les pays voisins.

L’Ukraine partage ses frontières avec quatre pays membres de l’Union européenne : la Roumanie, la Pologne, la Slovaquie et l’Hongrie.

Envahis par le sud, le nord et l’est par la Russie et ses alliés, les demandeurs d’asile ukrainiens n’ont d’autre choix que de fuir vers les pays membres de l’Union européenne.

Compte tenu de cette proximité géographique, c’est toute l’Europe qui s’organise pour l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Pour la première fois de l’histoire depuis la création de l’Union européenne (UE), la directive « protection temporaire », adoptée en 2001, vient d’être appliquée.

Que contient cette directive ?

Quelle articulation avec les dispositifs d’asile en droit interne ?

Pourquoi n’a-t-elle jamais été appliquée auparavant ?

Les interrogations étant nombreuses, Lozen Avocats vous apporte quelques éléments de réponse.

Que contient la directive « protection temporaire » ?

La directive « protection temporaire » est un dispositif législatif européen visant à faire face à l’afflux massif de personnes déplacées « en raison d’une guerre, de violences, ou de violations des droits de l’homme« .

Adoptée en 2001 dans le contexte de la guerre en Ex-Yougoslavie puis du Kosovo, cette directive a un double objectif :

1️⃣ accorder une protection temporaire et immédiate aux personnes déplacées ;

2️⃣ assurer un équilibre entre les efforts consentis par les pays de l’Union européenne, même si elle ne prévoit aucune répartition obligatoire.

Concrètement, il s’agit, dans le contexte actuel, d’accorder, de manière immédiate, et par dérogation au droit interne des pays membres de l’UE, un droit au séjour et à la protection internationale aux demandeurs d’asile qui fuient l’Ukraine.

⚙️ La mise en place de la protection temporaire

La « protection temporaire » est mise en œuvre dans l’ensemble des pays de l’UE par une décision du Conseil européen à la majorité qualifié, c’est à dire, à la réunion d’au moins 15 voix sur 27.

La durée de la protection

La directive prévoit une protection temporaire d’un an, renouvelable deux ans maximum.

Les droits accordés

Les ukrainiens réfugiés dans l’Union européenne se verront délivrer un titre de séjour pour la durée de la protection, votée en Conseil européen (entre 1 et 3 ans).

Ils se verront ainsi accorder le droit de :

💼 exercer une activité professionnelle

👩‍🏫 accéder à l’enseignement pour adultes à la formation professionnelle et d’acquérir une expérience professionnelle

🏠 bénéficier d’un logement approprié

💳 recevoir une aide sociale et financière

🩺 accéder aux soins médicaux

Il est à noter que les membres d’une même famille d’un bénéficiaire de la « protection temporaire » doivent pouvoir bénéficier de la même protection dans un même Etat membre.

La protection peut prendre fin si le Conseil estime qu’il est sûr pour ces personnes de retourner dans leur pays d’origine.

Mais en pratique, les Etats devront également s’assurer que les personnes expriment leur volonté de retourner dans leur pays.

Quelle articulation avec le droit français de l’asile ?

La protection temporaire est un dispositif législatif européen, complémentaire au droit d’asile et de la protection internationale en vigueur dans les pays membres de l’Union européenne.

En effet, la protection temporaire vise également à alléger la charge pesant sur le système d’asile des pays européens en leur permettant de repousser l’examen des demandes d’asile.

En France, le droit d’asile se structure en deux dispositifs principaux :

1️⃣ L’octroi d’une carte de résident d’une durée de 10 ans aux personnes bénéficiant du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951.

Il s’agit notamment d’accorder une protection internationale à une personne qui craint d’être persécutée du fait de :

« sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques »

Extrait de l’article 1er de la Convention de Genève de 1951

2️⃣ L’octroi d’une carte de séjour pluriannuelle (4 ans maximum) aux personnes dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux de croire qu’elle court dans son pays un risque réel de subir de traitements inhumains ou dégradants.

Or, le bénéfice de ces dispositifs impliquent, systématiquement, l’examen par l’OFPRA d’une demande d’asile pouvant prendre plusieurs mois.

La « protection temporaire » s’applique donc en parallèle de l’arsenal législatif déjà en vigueur, en droit interne, en matière de protection internationale.

Toutefois, la directive prévoit la possibilité pour les bénéficiaires de la protection temporaire de déposer une demande d’asile.

C’est alors le pays de l’UE qui a accueilli la personne dans le cadre de la protection temporaire qui est responsable de l’examen de la demande.

Cependant, et afin d’alléger leur système de traitement des demandes d’asile, les pays peuvent décider qu’un bénéficiaire de la protection temporaire ne peut pas avoir le statut de demandeur d’asile en même temps.

Enfin, les titres de séjour arrivés à expiration de tous les ukrainiens résidant déjà en France seront systématiquement prolongés de 90 jours.

Pourquoi n’a-t-elle jamais appliquée auparavant ?

Si l’activation de la protection temporaire dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie est une excellente nouvelle, il est pour le moins étonnant que ce dispositif ait dû attendre plus de 20 ans pour être appliqué.

Et ce, malgré l’arrivée massive de demandeurs d’asile aux frontières de l’Union européenne en raison, comme le prévoit la directive, de « guerre, de violences, ou de violations des droits de l’homme ».

Cela a notamment été le cas en 2011 avec le début de la guerre en Syrie, ou, plus récemment, en 2020 lors du retour des talibans au pouvoir en Afghanistan.

Des centaines de milliers de demandeurs d’asile se sont effectivement présentés aux portes de l’Europe sans pour autant réveiller les mêmes inquiétudes et sensibilités que dans le cadre du conflit russo-ukrainien.

C’est précisément ce qui est dénoncé, avec vigueur, par le Syndicat des Avocats de France (SAF).

Et pour cause, selon un rapport d’analyse de la Commission européenne, la définition très large du terme « arrivée massive », censée traduire un atout de flexibilité, s’est avérée en réalité être un point de blocage dans le processus d’accord entre les États membres.

Ainsi, cette complexité procédurale d’activation, liée au besoin d’un accord entre les États, a pour l’instant rendu son déclenchement très difficile.

C’est pourquoi, sans attendre le consensus européen dans le cas du conflit en Ukraine, certains États membres, à l’image de la Hongrie et de la Slovaquie, ont déjà mis en place des mesures nationales de protection temporaire.

 

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