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Evolution jurisprudentielle autour de l’obtention du statut de réfugié pour les demandeurs d’asile LGBTI
En 2020, encore 35% des Etats membres des Nations Unies criminalisent les rapports homosexuels.
C’est par exemple le cas du Nigeria, de l’Iran ou encore du Pakistan, où l’homosexualité peut mener jusqu’à une peine de prison à perpétuité ou à la peine de mort !
Mais au-delà de ces répréhensions étatiques, nombreux sont les pays où, en dépit de la légalisation de l’homosexualité, les personnes LGBTI sont quotidiennement victimes de discriminations, de violences et persécutions en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur expression de genre et/ou de leurs caractéristiques sexuelles.
C’est pourquoi au cours des dernières décennies, le nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile LGBTI en France a augmenté, faisant ainsi évoluer la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Pour cause, la définition de réfugié de la Convention de Genève est « sexuellement neutre », en ce qu’elle ne reconnaît pas expressément de protection en fonction du sexe, du genre ou de l’orientation sexuelle d’une personne.
Il incombe alors à la CNDA de déterminer, au cas par cas, si les persécutions envers les personnes LGBTI sont perpétrées en raison de leur appartenance à un « certain groupe social » au sens de l’article 1er A, 2° de la Convention de Genève.
La CNDA considère que, pour retenir juridiquement la notion de « groupe social », deux conditions cumulatives doivent être remplies :
1️⃣ le groupe doit être « constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer » ;
2️⃣ le groupe doit détenir « une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ».
Dans ces conditions, l’existence d’une législation réprimant les pratiques homosexuelles s’est imposée comme étant un critère déterminant.
Pourtant, par une récente décision du 13 décembre 2021, la CNDA a reconnu la qualité de réfugié à un ressortissant vénézuélien persécuté en raison de son appartenance au « groupe social » des personnes homosexuelles au Venezuela, pays où l’homosexualité n’est pas pénalement poursuivie et où une législation visant à condamner les discriminations contre les personnes LGBTI est en vigueur.
Si l’existence, dans le pays d’origine, d’un dispositif pénal anti homosexualité est un élément clé dans la caractérisation d’un « groupe social » LGBTI (I), la CNDA a fait évoluer sa jurisprudence pour tenir compte de l’effectivité des persécutions (II).
I – La reconnaissance d’un « groupe social » en cas de pénalisation de l’homosexualité dans le pays d’origine
Dans un premier temps, la CNDA semblait restreindre la reconnaissance du statut de réfugié aux seules personnes LGBTI originaires des pays où la loi réprime un acte homosexuel.
La Cour s’est inspirée de la décision de la CJUE du 7 novembre 2013 (Minister voor Immigratie en Asiel c. X, Y et Z), qui a consacré le principe selon lequel l’existence d’une législation pénale visant à réprimer une orientation sexuelle suffit, indépendamment du degré d’application d’une telle législation, à caractériser l’existence d’un groupe social formé par les personnes partageant cette orientation.
En revanche, une décision du 29 mai 2020 concernant la demande d’asile d’un ressortissant libanais homosexuel est venue confirmer une tendance de remise en question par la CNDA d’un tel principe.
En effet, la Cour ne se contente plus de constater l’existence d’une infraction d’homosexualité dans le pays d’origine pour caractériser le « groupe social ».
C’est désormais l’effectivité de la répression étatique, indépendamment du système pénal en place, qui semble préoccuper la Cour.
Alors que l’homosexualité est réprimée par l’article 534 du Code pénal libanais, une évolution vers la non-application de ces dispositions a été remarquée au Liban, soulevant la question de l’effectivité des sanctions pénales en la matière.
Cette dépénalisation de facto a cependant été mise en balance avec le renforcement de l’homophobie dans la société libanaise, ainsi qu’avec l’absence de protection effective des homosexuels.
Une décision similaire avait été prise, dès le 3 février 2017, dans le cadre de la demande d’asile d’une ressortissante nigérienne.
En considérant que la législation pénale en matière d’homosexualité au Nigéria n’est pas appliquée de manière effective, la Cour a néanmoins caractérisée un « groupe social » LGBTI en retenant que la perpétration d’actes homophobes était en augmentation depuis quelques années, sans que les victimes ne puissent se prévaloir d’une quelconque protection des autorités nigériennes.
Une telle approche semble se systématiser, puisque la CNDA procède de la sorte y compris lorsque la répression étatique se renforce.
En prenant acte d’un durcissement récent de la législation en Gambie à l’encontre des actes homosexuels, la CNDA ne s’est pas privée, dans sa décision du 28 août 2017, d’apprécier l’effectivité des persécutions par l’Etat et la population avant de reconnaître le statut de réfugié à un ressortissant gambien homosexuel.
Si le constat de l’existence d’un arsenal législatif anti homosexualité est un élément clé pour caractériser un « groupe social » LGBTI, une question subsiste : le ressortissant d’un pays où l’homosexualité n’est pas criminalisée peut-il espérer se voir reconnaître le statut de réfugié en France ?
II – La reconnaissance d’un « groupe social » en dépit de l’absence de pénalisation de l’homosexualité dans le pays d’origine
La prise en compte de l’effectivité des persécutions à l’encontre des personnes LGBTI semble se confirmer, indépendamment de l’existence d’une sanction pénale.
Concernant le Venezuela, pays où l’homosexualité n’est pas passible d’une sanction pénale, la CNDA avait consacré, par une décision du 14 mai 2018, que « l’absence d’une telle législation ne suffit pas à établir que ces personnes ne subissent pas de persécutions en raison de leur orientation sexuelle ».
Pour caractériser l’existence d’un « groupe social » LGBTI au Venezuela, la CNDA a retenu que les homosexuels étaient persécutés par :
1️⃣ la société, en considérant, sur la base de rapports annuels d’associations vénézuéliennes et internationales, que « les homosexuels sont généralement stigmatisés par la société » ;
2️⃣ l’Etat, même en l’absence de pénalisation de l’homosexualité.
Selon la CNDA, « des persécutions peuvent en effet être exercées sur les membres du groupe social considéré sous couvert de dispositions de droit commun abusivement appliquées ou par des comportements émanant des autorités, ou encouragés, favorisés ou même simplement tolérés par celles-ci« .
Dans cette espèce, la CNDA affirme qu’au Venezuela, le « dénigrement de la population LGBTI atteint même les plus hauts niveaux de l’Etat ». Pour ce faire, elle tient compte de constats marquants tels que « les discours homophobes du Président Maduro », les violences policières à l’encontre des personnes LGBTI ou l’exclusion des couples homosexuels des « réseaux de distribution de nourriture promus par l’Etat ».
Cette position a été confirmée par la récente décision du 13 décembre 2021, par laquelle l’asile a été accordé à un ressortissant vénézuélien « tant en raison de l’ostracisme dont [il est] l’objet de la part de la société que des persécutions dont [il est] susceptible de faire l’objet de la part des représentants des autorités vénézuéliennes ».
Enfin, il convient de rappeler qu’en cas de persécutions avérées à l’encontre de personnes LGBTI originaires de pays où l’existence d’un « groupe social » n’est pas caractérisée, les demandeurs d’asile sont susceptibles de voir attribuer la protection internationale subsidiaire encadrée par l’article L. 512-1 du CESEDA.
L’équipe de LOZEN AVOCATS reste à votre disposition pour un accompagnement en matière de demande d’asile relative à des persécutions en raison de l’orientation sexuelle.
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