56, rue de la Charité 69002 - Lyon
04 72 84 98 95
lozen@lozenavocats.com

Projet de loi immigration : une fausse bonne idée ?

Droit des étrangers et de la famille à Lyon

⚠️ Attention ! Nous vous conseillons fortement de tenir compte de la date de publication de cet article. En effet, les pratiques en droit des étrangers ne cessent d’évoluer. Il est donc possible que certaines informations, pratiques et/ou stratégies procédurales présentées ne soient plus d’actualité.

Le 20 décembre 2022, le Gouvernement a dévoilé la version définitive du projet de loi sur l’immigration, baptisé « Pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration ».

Cet énième projet de loi sur l’immigration et l’asile s’inscrit dans une dynamique d’inflation législative en la matière.

En seulement trente ans, plus de vingt textes se sont effectivement succédé, le dernier ne datant que du 10 septembre 2018.

Mais si ce nouveau projet de loi fait autant de bruit, c’est aussi et surtout parce qu’il intervient dans un contexte politique de stigmatisation croissante et de raccourcis entre immigration et délinquance.

Tout en affichant l’objectif d’augmenter le taux d’expulsion des étrangers (et notamment des « étrangers délinquants »), le Gouvernement revendique la recherche d’un équilibre par des mesures favorables aux travailleurs étrangers.

Des mesures comme la création de nouvelles cartes de séjour « travail dans les métiers en tension » ou « talent-professions médicales et de la pharmacie » ont alors été mises en avant par les services de communication du Gouvernement.

Ainsi, l’équipe de LOZEN a récemment reçu dans ses bureaux de nombreux travailleurs étrangers qui, séduits par l’efficace marketing gouvernemental, souhaitent connaître leurs nouveaux (futurs) droits.

Mais en auront-ils vraiment ? 🤔

Lozen fait le point 🧐

⚠️ Avant toute chose, un rappel important : pour l’heure, il ne s’agit que d’un projet !

Au jour du présent article, nous n’avons affaire qu’à un projet de loi qui risque fortement d’être amendé.

Le 6 décembre 2022, le Ministre de l’Intérieur a effectivement dévoilé les grandes lignes de son projet de loi lors d’une déclaration à l’Assemblée Nationale, suivie d’un débat sans vote avec les députés, en vertu de l’article 50-1 de la Constitution.

Le 20 décembre 2022, la version définitive du projet de loi a été transmise au Conseil d’État, pour un avis consultatif.

Le Conseil d’Etat dispose en général de quatre semaines pour rendre son avis, lequel ne lie pas le gouvernement.

D’ici la fin du mois de janvier 2023, un avis consultatif devrait être publié par le Conseil d’Etat.

Quelles sont les prochaines étapes probables ?

📅 fin janvier 2023 : présentation du projet de loi en Conseil des ministres ;
📅 fin janvier/février 2023 : examen du projet de loi par le Sénat (première lecture) ;
📅 mars/avril 2023 : examen du projet de loi par l’Assemblée Nationale (première lecture).

Il est ainsi fort probable que le projet de loi ne soit adopté qu’après l’été 2023.

Que contient (vraiment) ce projet de loi immigration ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, LOZEN a sélectionné les principales mesures a priori favorables (✅) et défavorables (⛔️) pour les ressortissants étrangers résidant en France.

⛔️ L’augmentation drastique du nombre d’expulsions et d’éloignement des étrangers

Si le Gouvernement assume la volonté d’augmenter le taux d’exécution des décisions d’éloignement et d’expulsion des étrangers, son projet de loi va encore plus loin en élargissant le champ d’application de telles mesures.

En ce qui concerne l’expulsion, l’article 9 du projet de loi viendrait élargir les catégories d’étrangers susceptibles d’être expulsés.

En effet, l’article L. 631-2 du CESEDA, dans sa rédaction actuelle, protège certains ressortissants étrangers contre l’expulsion.

C’est le cas notamment pour les parents d’enfants français, les conjoints de français ou les résidents en France depuis plus de 10 ans.

Ces personnes ne peuvent actuellement être expulsées que si elles ont été définitivement condamnées à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.

L’article 9 du projet de loi envisage une modification drastique : ne seront plus protégés contre l’expulsion les étrangers ayant été condamnés pour une infraction « punie de cinq ans ou plus d’emprisonnement ».

Ce n’est donc plus le quantum effectif de la sanction prise à l’encontre de l’étranger qui dicte la levée de la protection, mais la simple condamnation pour des faits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement, et ce, quelle que soit la peine effectivement retenue.

Il s’agit donc pour le Gouvernement d’élargir considérablement l’application de la « double peine » correctionnelle et administrative.

Pour séduire le juge constitutionnel, le Gouvernement précise que les préfets devraient, si le projet de loi est adopté, tenir compte de certains éléments liés à la situation de l’étranger.

D’une part, les préfets devront apprécier l’actualité de la menace pour l’ordre public en s’assurant que le comportement de l’étranger concerné « constitue toujours une menace pour la sécurité des personnes et des biens ».

Ensuite, les préfets devront aussi tenir compte de la proportionnalité de la menace au regard des « circonstances relatives à sa vie privée et familiale » de l’intéressé.

⚠️ Mais attention : il ne s’agirait là, en aucun cas, d’une garantie supplémentaire apportée par l’exécutif mais d’une simple transposition de la jurisprudence déjà en vigueur.

En effet, la jurisprudence impose déjà à l’autorité préfectorale de prendre en considération l’actualité et la proportionnalité de la menace.

Et ce, y compris pour les ressortissants étrangers effectivement condamnés à une peine de prison ferme de plus de 5 ans.

En ce qui concernent les obligations de quitter le territoire français (OQTF), l’article 10 du projet de loi prévoit de réduire les catégories de personnes protégées « contre les décisions d’OQTF en cas de menace grave pour l’ordre public ».

Toutes les catégories d’étrangers protégés contre une OQTF seraient concernées, à l’exception des étrangers mineurs de moins de 18 ans.

⛔️ Le renforcement des contrôles aux frontières

Par l’article 11 du projet de loi, l’objectif est de permettre la prise d’empreintes par coercition aux frontières.

Concrètement, l’étranger entrant irrégulièrement en France pourrait être contraint, par le recours à la force, d’effectuer un relevé de ses empreintes digitales et d’une prise de photographie.

✅ La création d’une carte de séjour « métiers en tension »

La création d’une nouvelle carte de séjour « travail dans les métiers en tension » a abondamment été mise en lumière par le Gouvernement.

Pour cause, l’article 3 du projet de loi obligerait les préfets à délivrer une carte de séjour aux étrangers en situation irrégulière exerçant leur activité dans un secteur qui manque de main-d’œuvre, comme le bâtiment et le médico-social.

Le Gouvernement entend donc légiférer ce qui auparavant relevait d’une simple possibilité pour les préfectures : régulariser un travailleur étranger en situation irrégulière sur le territoire français.

Le projet de loi encadre toutefois les conditions devant être réunies par l’étranger, à savoir :

  • l’exercice, dans un secteur sous tension de recrutement, d’une activité professionnelle déclarée pendant au moins 8 mois sur les 24 derniers mois ;
  • la résidence ininterrompue sur le territoire français pendant 3 années au moins.

Sous réserve notamment du respect de ces conditions, le travailleur étranger se verra autorisé à travailler sur le territoire français et remettre une carte de séjour valable un an.

On notera néanmoins que ce nouveau titre de séjour entre en vigueur « à titre expérimental » jusqu’au 31 décembre 2026, après quoi un bilan sera transmis au Parlement.

⚠️ Mais attention : s’il s’agit là d’une mesure plutôt favorable aux ressortissants étrangers en situation irrégulière, on rappellera que les préfets disposent déjà, eu égard à leur pouvoir d’appréciation, de la possibilité de délivrer une carte de séjour aux personnes se trouvant dans cette situation.

Par ailleurs, la Circulaire dite Valls, du 28 novembre 2012, invite déjà les préfets à admettre au séjour les étrangers résidant en France depuis au moins 3 ans et justifiant d’une ancienneté minimale de travail de 8 mois.

La Circulaire dite Valls va donc bien au-delà du projet de loi immigration, en prévoyant l’admission au séjour par le travail y compris pour les travailleurs qui ne sont pas concernés par les métiers en tension.

Il est donc légitime de s’interroger, en cas d’adoption de l’article 3 du projet de loi, sur le sort réservé par l’administration et le juge quant à la prise en compte des instructions de la Circulaire Valls, nettement plus favorables aux travailleurs étrangers.

✅ La création d’une nouvelle carte de séjour « talent-professions médicales et de la pharmacie »

L’article 7 du projet de loi envisage de créer une nouvelle carte de séjour dédiée aux professions médicales et de la pharmacie, comme les médecins, les sages-femmes ou les chirurgiens-dentistes.

Ces professionnels pourraient, sous réserve de démontrer qu’ils occupent effectivement un emploi qualifié pour une durée au moins égale à un an, se voir délivrer une carte de séjour d’une durée maximale de 13 mois sans qu’il leur soit imposées les exigences du passeport-talent « salarié-qualifié », à savoir :

  • l’obtention en France d’un diplôme de licence professionnelle ou de master ;
  • une rémunération brute annuelle supérieure ou égale à 41.023 euros.

⛔️ L’instauration d’une nouvelle amende administrative sanctionnant les employeurs d’étrangers ne détenant pas une autorisation de travail

Si le Gouvernement semble concevoir le plein droit à la régularisation des travailleurs étrangers évoluant dans les métiers en tension, il envisage de sanctionner leurs patrons par l’instauration d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 4.000 € par salarié concerné.

En clair, les préfets auraient, au même titre que l’OFII, la possibilité de sanctionner les employeurs des travailleurs étrangers en situation irrégulière en dehors de toute poursuite pénale.

En vertu de l’article 8 du projet de loi, les préfets seraient toutefois tenus de :

  • fonder leur décision sur un procès-verbal relevant l’infraction ou sur un rapport établi par un agent de contrôle ;
  • informer l’auteur des faits, et ce, préalablement au prononcé de la sanction administrative ;
  • informer, sans délai, le procureur de la République de la sanction envisagée ;
  • prendre en compte « les circonstances du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ».

Force est donc de constater, qu’en l’état actuel du projet du projet de loi immigration, les droits des ressortissants étrangers en France seraient considérablement fragilisés, sans qu’aucune garantie véritablement nouvelle ne leur soit accordée.

Pour en savoir plus, l’équipe de LOZEN AVOCATS sera ravie de vous recevoir en consultation :

 

One Response

  1. […] en décembre 2022, le projet de loi initial proposé par le Gouvernement (dont nous avons fait l’analyse en janvier 2023) a été fortement durci par la Commission mixte […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *